J'ai testé pour vous... Manger des anguilles...
Quel honneur aujourd'hui d'inaugurer une nouvelle rubrique sur ce blog, la rubrique culinaire. Bien que je ne sois pas certain de la remplir souvent.
Et pour qu'une première ne soit pas une escroquerie politicienne, je me devais de tout mettre en oeuvre pour vous offrir une exclusivité digne de ce nom. Fort du slogan de notre nouveau Président, "Le changement c'est maintenant", il fallait faire les choses bien, et comme on parle cuisine, alors disons-le, il fallait mettre les petits plats dans les grands.
Mais comme je suis honnête, je me dois de vous dire l'entière vérité, rien n'était prémédité. Je n'avais pas prévu d'ouvrir une nouvelle rubrique, encore moins d'en faire une vitrine exceptionnelle en ce vendredi 25 mai 2012. Oui mais voilà, quand il se passe quelque chose de grandiose dans une vie, ça chamboule jusqu'à l'organisation d'un blog.
Grandiose, le mot est peut-être un peu fort. Quoique.
Comme une grande partie de mes midis, je m'apprêtais à déjeuner en compagnie de mes grands parents, non pas pour quémander un maigre héritage me permettant de passer quelques jours au soleil cet été, mais parce que tout simplement je suis fan de ces moments là, et que, quand à l'âge de 28 ans, on a encore la chance d'avoir ses 4 grands parents, il faut en profiter un maximum avant qu'il ne soit trop tard (cruauté de la vie quand tu nous tiens... Cruauté ou réalité, peu importe, ça revient au même).
Je venais donc d'entrer dans le salon, j'avais, à peine, commencé à lire le journal qui revenait sur l'éclatante victoire de Montpellier en championnat, photos à l'appui (c'est pas sous Nicolas Sarkozy qu'on aurait gagné, ça s'est sûr... oui aujourd'hui, je fais de la politique de bistrot et alors, ça détend, et ça permet de se défouler), quand ma grand-mère me demanda, d'un air tout à fait naturel si j'aimais les anguilles.
Il faut préciser que ma grand-mère cuisine de temps en temps des anguilles. J'ai ce souvenir là, de voir dans son évier, ces espèces de gros serpents des mers, se tortiller dans tous les sens, comprenant dans une ultime détresse qu'une fuite par le siphon est à proscrire parce que complètement utopique. Je les revois glisser entre les mains de ma grand-mère, dans un dernier effort pour échapper à l'assommage.
Et puis je les abandonnais là, à leur sort, refusant de participer à cette tuerie familiale, et préférant mon assiette d'olives noires, et mon fromage blanc relevé par une goutte de café.
Mais aujourd'hui, quand ma grand-mère m'a annoncé le retour de l'anguille dans nos assiettes, je me suis dit qu'après tout, il fallait tout goûter, et que c'était l'occasion rêvée pour appliquer le slogan sus-cité de notre cher Président. Et puis surtout, je me suis dit que ce n'est certainement pas moi qui achèterais des anguilles au poissonnier, ni ma mère, qui s'amuserait à les faire frire. Alors dans un élan de folie incontrôlable j'ai lâché "j'en ai jamais mangé de ma vie, mais je vais goûter".
La seconde qui suivait je regrettais déjà cette prise de position kamikaze, mais qui ne pouvait être revue sans passer pour un gastronome de pacotille, un frileux de la papille gustative, un novice de la tentation gourmande.
Ma grand-mère avait néanmoins prévu un plat de secours en cas de saveur et de délice absents, et un couscous traînait en embuscade, juste au cas où...
Ce n'est pas sans appréhension que ma bouche se préparait à avaler ses premières bouchées d'anguille, et je tentais de la distraire en commençant par un bout de saucisson et un feuilleté à la viande. Mais mon esprit restait sur ses gardes.
Le plat est arrivé sur la table sans trop de cérémonie, et c'est une anguille découpée en rouleau que je découvrais, fébrile, dans une grande assiette.
L'aspect était plutôt appétissant, je dois avouer.
Je ne pris qu'un seul rouleau, n'étant pas très enthousiaste à l'idée d'adorer la bête, ni optimiste quant à mon ouverture d'esprit (ou plutôt de goût).
Je laissais la chair se décomposer toute seule sur ma langue tant je n'osais pas l'entrouvrir avec mes dents, de peur de laisser échapper un fumet détestable.
Mais quelque chose en moi voulait savoir. Une petite partie de mon âme voulait pouvoir dire fièrement "Oui j'ai déjà mangé de l'anguille, pourquoi, c'est exceptionnel?".
Alors j'ai croqué.
J'ai attendu un peu, j'ai mâché deux trois fois, et je me suis rendu compte que mes yeux étaient toujours ouverts, que je ne pleurais pas, que je n'avais pas vomi ni n'étais tombé dans les pommes.
Pire, je recroquais volontiers dans le morceau, et me resservais un deuxième rouleau.
Vous l'avez compris, j'aimais les anguilles.
Autour de moi, c'était l'effervescence. Chacun attendait mon verdict, pour, au choix, se foutre de ma gueule, ou être fier de m'avoir fait découvert un nouveau plat.
Quand je me suis resservi, tout le monde avait compris, j'étais séduit, converti à l'anguille, et à partir de ce jour, je ne pourrai plus jamais dire "Non, je n'ai jamais mangé d'anguille".
J'allais arrêter là ma chronique, quand je me suis pensé, que peut-être, vous auriez aimé savoir à quoi ça a goût, une anguille.
Et bien c'est très simple, goûtez, et vous saurez...