Strip-tease, le retour...

Publié le par Guillermo

Pour moi c'est un évènement. Il faut dire que l'émission culte de France 3 est à l'origine de mes plus beaux fous rires.

Qui n'a jamais entendu parler du Docteur Lulu, ou de la Soucoupe et du Perroquet, méconnaît les perles de la télévision publique.

Alors pour ceux qui seraient novices en la matière, je vous conseille vivement de vous jeter dans les archives croustillantes de ces documentaires rocambolesques.

Strip-tease, l'émission qui vous déshabille, est un concept jamais égalé. Une caméra qui s'immisce dans la vie intime des gens, sans que ce ne soit ni du voyeurisme, ni de la télé-réalité traficotée pour plaire aux midinettes de 14 ans.

Ici, nul besoin de surjouer, de dramatiser, d'encenser, ni de voter à coups de SMS surtaxés. Non, strip-tease est largement au-dessus de toute notion commerciale qui pourrit la télévision d'aujourd'hui.

Strip-Tease, c'est de la télé, mais de la belle télé. Enfin, belle au sens noble. Pas forcément dans ce qu'elle récolte de témoignages et de modes de vie parfois archaïques, au fin fonds de familles un peu reclues de la société moderne. 

Parce qu'il faut bien l'avouer, Strip-Tease c'est aussi un peu monté pour se moquer de la France profonde. 

Mais pas en mentant, ni en truquant, ni en scénarisant. Non, juste en laissant la caméra tourner pendant les moments cruciaux, personnels, et parfois privés.

Alors certes, il y a des scènes que, sans doute, la descence nous demanderait de ne point diffuser, mais enfin, ce sont ces scènes là qui font l'essence même de l'émission.

Et c'est en respectant parfaitement ce cahier des charges, que la nouvelle mouture de Strip-Tease a débuté.

Je viens de découvrir le tout premier épisode de cette nouvelle série de reportages, et j'avoue que je n'ai pas été déçu. Mais mon Dieu qu'est ce que j'ai été choqué. Pas par la réalisation, ni par le sujet choisi, ni par le voyeurisme apparent (ce que j'ai lu ici et là dans des articles de personnes qui n'ont pas dû tout comprendre à l'émission).

Non, si j'ai été choqué, c'est par la terrible vérité qui est apparu dans cet opus.

Le sujet, vous allez le voir, très croustillant, revenait sur ces hommes en mal d'amour qui se tournent vers les pays de l'Est pour trouver chaussure à leur pied.

En tant que fan absolu de l'excellent film d'Isabelle Mergault "Je vous trouve très beau", je me délectais d'avance.

A la différence prés que le film était très drôle. 

Parce que là, mes pauvres lecteurs, c'était un peu misérable. Une misère infiniment triste et dévastatrice. Quand on regarde le film, on a toujours ce filtre qui est le cinéma, et qui nous dit que la vérité, ce n'est pas tout à fait ça. Qu'il ne faut quand même pas exagérer, et que dans la vraie vie, c'est différent.

Mais quand on se retrouve au milieu d'une famille d'agriculteur, en chasse de la jeune fille idéale pour le petit dernier, ce n'est plus du théâtre ou du cinéma, ça devient une illustration irréfutable bien que lugubre du monde.

Je vous plante le décor parce que ça vaut le coup d'en parler.

Dans le rôle principal, on retrouve Damien, jeune agriculteur en mal d'amour, sans doute recalé pour l'émission phare de M6 "Le bonheur est dans le pré", et on comprend pourquoi.

Sans méchanceté aucune de ma part, et par simple soucis de décrire au plus près possible le synopsis du documentaire, je dirai que Damien est attardé. J'aurai pu dire demeuré, mais ça aurait été un peu trop fort, et le terme d'arriéré aurait été trop faible.

Oui, Damien est attardé. Et ce dans tous les domaines. Au point de vue vestimentaire, c'est une évidence. Au point de vue physique aussi (et c'est moins banal, il a un physique antique, un peu vieillot). Et au point de vue mental, c'est de la clairvoyance que de le dire. Il doit tenir ça de sa mère qui apparaît de façon très subreptice, et avec, il faut le dire, très peu de sagacité. Il habite avec elle et ses grands-parents, pour le coup, parfaitement normaux, eux (si tant est que la normalité puisse un jour être définie). Disons que ce sont des gens de la campagne comme tant d'autres, capable d'avoir une conversation et de tenir une ferme (ou plus exactement un élevage de moutons). Damien et sa mère ont quant à eux plus de mal à exprimer leurs sentiments ou tenir un bavardage correct et censé.

Les grands parents de Damien ont dû se rendre compte que leur petit fils avait raté une étape dans sa construction personnelle, et désespèrent de lui trouver une femme pour l'aider à la ferme (et aussi dans la vie de tous les jours). Du coup, ils ont fait appel, à une agence qui flairent les bons coups et les déprimes agricoles, pour organiser une rencontre avec une fille venue du froid.

http://img.tvmag.lefigaro.fr/ImCon/Arti/54260/STRIP_TEASE01.jpg

C'est Roxana qui s'y colle, et dés le départ, la Roxana, on la plaint. Non pas parce qu'elle a un prénom de déodorant, mais parce que découvrir l'allure générale, la démarche, et disons-le, la gueule de Damien, n'a pas dû être chose facile pour elle. Alors oui, quand la traductrice lui demande comment elle le trouve, elle ne dit pas "désolé, t'es trop moche, je préfère aller en Roumanie pour mendier dans la rue." mais lâche plutôt un "Il est bien" léger, bref, et peu naturel, qui entraîne pourtant notre Damien dans une excitation non dissimulée, un éclat de rire incongru, et en provoquant sans doute une érection non perçue par les cameramen.

A l'issue de cette rencontre, on sent que la jeune roumaine ne restera pas longtemps dans la ferme. Et pourtant, tout le monde y croit. Faut dire qu'ils ont payé 2000 euros pour ce badinage, il serait malvenu d'être pessimiste.

Pendant la conversation, on apprend juste que la demoiselle n'a pas le permis, et la famille d'exiger qu'elle le passe en Roumanie parce que c'est quand même moins cher, et qu'ils ne vont pas non plus tout lui payer.

Damien est tout content, un peu comme un jeune garçon qui vient d'acquérir sa première voiture. Il est fier, il veut la prendre la photo et l'essayer. Mais comme il est un peu gauche, il lui attrape la main maladroitement, comme si l'affaire était déjà entendue et qu'elle lui appartenait à tout jamais. Du bout des doigts il la trimballe dans la ferme et lui montre comment c'est excitant de donner de la paille aux moutons et de remplir des seaux de granulés.

Le repas du soir est sans doute la scène la plus épique de l'épisode, mais aussi la plus glauque. Papi à qui il manque une dent, mais manque de pot, c'est celle de devant, mamie, maman qui n'a pas l'air de tout comprendre, Damien qui sourit bêtement de toutes ses dents (et mon Dieu qu'elles sont laides), et la pauvre Roxana.

S'ensuit une conversation incompréhensible pour elle qui ne parle pas le moindre mot de la langue de Molière, et une famille qui pense qu'elle est sourde et pas roumaine, tant ils s'entêtent à lui poser des questions en hurlant... "TU VEUX DU FROMAGE?" "TU ES CATHOLIQUE ET POUR LE MARIAGE?" ou encore et c'est ma préférée "TU TE PLAIS PLUS QUE DANS TON PAYS ICI NON ?".

Bref, on sent une impasse, un fossé, une abîme qu'il va être difficile de contourner. Mais Damien en devient un brin romantique, et c'est main dans la main qu'il se ballade avec la douce lui susurrant des mots d'amour et des déclarations qu'elle ne comprend pas. Grand passage, lorsque Roxana s'arrête devant un peuplier, baragouine une phrase en roumain et Damien répond "C'est un arbre". 

La suite était courue d'avance, Roxana s'en va. 

La dame de l'agence débarque pour faire croire que la belle est rapatriée en Roumanie pour soigner ses frères, et annonce quelques jours plus tard, que malgré sa volonté profonde de revenir à la ferme, elle a été envoyée en Italie par sa mère... Difficile d'y croire quand on a décelé le désespoir dans ses yeux, au milieu de cette famille peu commune.

Damien est alors désespéré, lui qui se voyait déjà la bague au doigt et le poireau au chaud (parce que faut pas me prendre pour un con, lui jeune puceau se disait que la fin du tunnel approchait, avant de s'engouffrer dans un tunnel plus agréable et hospitalier). Il manque même de se suicider. Il accuse sa mère d'avoir raconté l'histoire à un ami de la famille qui fait des pieds et des mains pour prévenir papi et mamie de la supercherie.

Mais papi et mamie doivent bien se rendre compte de l'évidence. Damien est benêt, et sans la Roumanie et sa pauvreté, l'optique de rencontrer une fille bien (parce qu'ils sont difficiles papi et mamie, ils marieraient pas leur petit fils avec n'importe qui... "lol") est simplement illusoire.

Alors la dame de l'agence revient, demande à maman de garder le secret de cette histoire de famille, et repart à la charge avec de nouvelles photos, de nouvelles jeunes filles très mignonnes, qui n'ont qu'un rêve dans la vie, quitter la misère du pays où elles sont nées, quitte à abandonner père, mère, enfants, frères, soeurs et amis, et quitte à épouser l'innocent du village.

C'est que la misère humaine vous ferait faire n'importe quoi...

Publié dans Télévision - Médias

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