Moi aussi j'ai eu mon bac...

Publié le par Guillermo

Pour me rassurer et me trouver encore un peu jeune pendant quelques années, je me dis qu'il est pas si éloigné que ça, le temps où j'attendais fébrilement de savoir, si oui ou non, j'étais bachelier...

Quand j'y réfléchis, c'était quand même il y a dix ans... Dix ans durant lesquels mon but était de tirer profit de ce diplôme.

Enfin, c'était mon but sur le moment, mais ma fainéantise habituelle en a décidé autrement. C'est qu'elle est très convaincante, ma fainéantise. Un pouvoir de dissuasion extrêmement développé, et une force de persuasion imbattable.

Faut dire que le bac, c'est un peu une fumisterie. On se dit que c'est le grand tremplin de la vie. Qu'après ça, les choses commencent vraiment, qu'on va vivre pour de vrai. Tu parles... Après ça, c'est la vie estudiantine. Je dois avouer qu'elle a ses bon côtés. Les soirées, les rencontres, les sorties, les filles (ou les garçons selon sa religion), les shooters, mais aussi les partiels, le stress, les hésitations d'avoir choisi la bonne filière, le questionnement intérieur de savoir si on va réussir sa vie. Bref, une angoisse infinie de ne jamais parvenir à vivre sa vie.

D'où une fainéantise ambiante de profiter de chaque instant, sans se poser de questions, parce que des questions, on s'en est déjà beaucoup posées.

Alors on passe son bac, parce que c'est un symbole de réussite. Et puis on l'a, normalement, si on a pas trop foiré. C'est pas que c'est ultra facile de l'avoir, c'est juste que c'est loin d'être un obstacle de taille. Il est plus facile d'avoir son bac, que de tomber sur un épisode de Friends en zappant à la télé. C'est dire... 

Moi je me souviens, j'avais un peu peur de pas l'avoir quand même. Pas parce que je me trouvais con, non, pas du tout, mais parce que j'avais pas trop révisé (ma fainéantise sus-contée). Et puis c'était tombé en plein Euro de football. Et à cette époque là, l'équipe de France, elle avait de la gueule. C'était des joueurs de foot, humbles, qui faisaient rêver, qui avaient du respect pour les gens en général. Bon c'est vrai que c'était plus facile pour eux, parce qu'ils gagnaient, alors ils étaient un peu moins critiqués. Mais d'un autre côté, ils cherchaient pas les polémiques en se tapant des jeunes filles de 16 ans, ou en insultant à tout va les journalistes, ni en méprisant les supporters qui se déplaçaient pour les applaudir et les soutenir. C'était un autre temps.

Du coup, je regardais les matchs à la télé, et j'écoutais Laurent Ruquier à la radio. Mes journées étaient overbookées je vous dis...

Mais je révisais quand même un peu. Le minimum. Et comme je n'étais pas complètement con, je retenais ce que j'apprenais. Donc, vous l'avez compris, j'avais saisi le minimum.

Mais comme on sait jamais, dans la vie, je n'étais pas assuré à 100% d'un succès franc et massif.

Il y a dix ans, internet c'était pas facile. Il fallait brancher le modem à la prise de téléphone, attendre 10 minutes que la connexion se fasse, taper l'adresse de l'académie ou du rectorat dans la barre des tâches, attendre 6 minutes et 51 secondes que la page s'affiche, taper le lycée d'affiliation, attendre 4 minutes et 33 secondes que la page se mette à jour, reconnecter le modem qui s'était déconnecté tout seul, juste pour nous emmerder, patienter 10 autres bonnes minutes que la connexion revienne, actualiser la page et attendre 2 minutes que l'actualisation se fasse, fermer la fenêtre de navigation parce que y a un bug dans l'actualisation, et recommencer le processus une bonne dizaine de fois. Du coup, trois jours après, si on se contentait d'internet, on savait toujours pas si on avait le bac.

http://www.collegecevenol.org/dotclear/public/COLCEV/bachelier.jpg

Moi, comme j'ai un peu d'honneur, et dans l'optique de rater mon bac, je me disais que c'était pas très bon pour mon image de me pointer au Lycée, devant tous mes potes, et d'apprendre que je ne l'avais pas. Alors j'ai un peu attendu. Ce qui, au final, est cent fois pire.

Internet n'était pas au point, mais les textos connaissaient déjà un vif succès, et c'est dans mon incertitude préoccupante que je recevais des avalanches de sms, vantant la réussite de leur auteur. Moi je ne savais toujours pas.

A ma mère qui tentait aussi à son boulot de faire fonctionner la page des résultats via internet, je disais que je m'en foutais, on le saurait bien un jour. Mais au fonds de mon être, je bouillonnais, et je languissais de savoir à quelle sauce j'avais été mangé par les correcteurs.

Quand ma mère est revenue du travail, j'en étais à ma 50ème tentative de connexion, et je lui assurai que cette fois, c'était la bonne, j'allais parvenir à me connecter.

Mon frère attendait aussi impatiemment que moi, de voir apparaître mon nom sur l'écran, mais la page restait désespérément blanche. 

Ma mère insistait pour qu'on aille sur place, mais je tenais bon. Je ne voulais pas que tout le monde soit témoin de ma mine déconfite. 

C'est vers les 10 heures du soir, après avoir avalé un morceau, que je décidai de partir au Lycée. Ma mère attrapa ses clés et nous partîmes avec mon frère découvrir la liste des bacheliers.

Il y a une chose qu'on avait pas prévu. A 22h, il fait nuit, et nous avions oublié les lampes de poche. Aujourd'hui, on éclairerait à la lueur des portables, les panneaux. Mais en ces temps là, prendre son portable avant de partir n'était pas un réflexe, et c'est dans le noir qu'on se retrouva comme des couillons.

Ma mère alla chercher la voiture, se plaça devant les listes, et alluma les phares comme pour éblouir la réalité. On scruta les panneaux pendant un brave moment, sans voir le moindre nom correspondant à mon état civil. C'est dans un cri de joie intense que mon frère nous appela. Il avait vu mon nom. 

L'affaire était pliée, mais je voulais quand même vérifier de par mes propres yeux.

C'était bien vrai, mon nom était écrit en toute lettre, sans faute. C'était bien moi. J'avais eu mon Bac.

Sur le coup j'étais pas plus fier que ça. Un peu soulagé, mais pas euphorique.

Ce n'est que quelques semaines plus tard, après m'être éveillé d'un cauchemar affreux où je devais repasser mon épreuve de Grec ancien (l'angoisse absolue) que je réalisai.

J'ai eu mon bac!!!

Bon, pas de quoi en faire une montagne... Mais quand même...

Publié dans Vie quotidienne

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